Quand l’entreprise laisse aux collaborateurs une vraie marge de manœuvre dans la conception et l’organisation de leur travail ("Job crafting"), le résultat ne se fait pas attendre : le plaisir et la productivité s'accroissent… Une piste pour concevoir des dispositifs de formation qui donnent envie d'apprendre ?
Job crafting : quand les collaborateurs se voient offrir la possibilité de « designer » leur travail, on constate que la créativité, le bien-être et la satisfaction individuelle s'accroissent, et qu'il en va de même de la productivité collective et de la fidélisation des talents.
Le travail ne cesse d'évoluer et, avec lui, le lien entre l’employeur et l’employé. On sait que cette évolution trouve notamment son expression dans la co-responsabilité en matière d’employabilité, laquelle n’est plus de la seule responsabilité de l’employeur ; l’employé est aussi comptable du développement de ses compétences, l'employeur y apportant sa contribution active (moyens de formation, visibilité des opportunités d’évolution dans l’entreprise).
Autre évolution récemment repérée : le « job crafting », qui semble inspiré de l'entreprise libérée (holacratie) : le job crafting, comme nouvelle approche du travail et de son organisation, donnant la possibilité aux employés de « designer » leur travail. Foin de la fiche de poste et d’une description trop rigide et détaillée des tâches à accomplir : la marge de manœuvre qui leur est offerte se veut étendue, qui doit leur permettre d’exprimer et de développer leur créativité (une « soft skill » essentielle dans l’avenir du travail), et de retrouver un peu du bien-être perdu dans les effets de la pandémie sur le monde du travail.
Et le job crafting semble entraîner des bénéfices individuels et collectifs conséquents. Dans les entreprises qui l’ont mis en œuvre, le stress a baissé chez 92 % des salariés dont le niveau de satisfaction a fortement augmenté, dans une entreprise qu'ils perçoivent comme plus collaborative. Du côté de l’entreprise, les DRH se félicitent d’un moindre turn over et les métiers constatent une hausse de la productivité (source : MIT Sloan Management Review, le job crafting pendant la crise, par Capital.fr).
La formation peut s’inspirer des ressorts du job crafting pour développer le plaisir d’apprendre, sous réserve que la liberté laissée aux apprenants ne se réduise pas à piocher dans un catalogue de contenus en libre-service.
L’approche du job crafting mérite d’être méditée dans les services formation.
Principal levier de développement des compétences et d'employabilité individuelle, la formation veille en permanence à resserrer son lien avec le travail et à se raccrocher à tout ce qui — dans les innovations au travail, dont le job crafting est un exemple — contribue pratiquement à cette employabilité. S'inspirant des ressorts du plaisir au travail, elle en déduira des enseignements sur la façon de développer aussi le plaisir d’apprendre.
La formation devra s’adapter à l’émergence du job crafting, de même qu’elle est actuellement en train de se réinventer sous la pression du travail hybride. Dans un monde où les collaborateurs pourraient laisser un plus libre cours à leur créativité au travail, on voit mal comment la formation pourrait les contraindre fortement en matière de contenus, de planning et de formats. Notons aussi que la formation devra préparer et accompagner les employés au nouveau rôle que le job crafting attend d’eux.
Enfin, et surtout, puisqu'il est ici question d’expérience employé (que le job crafting tente d’améliorer) dont l’expérience apprenant est une composante, la fonction formation peut se demander à son tour à quoi pourrait ressembler le « learning crafting », c'est-à-dire une plus grande liberté laissée dans les apprentissages… Cette liberté ne doit certes pas se limiter au libre-service de vastes catalogues de contenus sur étagère, comme le laisse entendre la tendance aux abonnements « full access ». Si la marge de liberté doit également porter sur les formats ou la circulation dans un parcours de formation, il est nécessaire d'en donner les clés aux apprenants. L'accompagnement devient décidément une dimension clé de la formation en entreprise, sans cesse réactualisée par les promesses du digital learning.
Michel Diaz
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